Pour commencer notre travail, nous avons souhaité interroger des acteurs de la reconstruction. Pour cela, il fallait identifier des territoires particulièrement touchés et engagés dans un processus de reconstruction. Nous avons donc cherché à savoir quelles sont les catastrophes qui handicapent ou ont handicapé durablement les territoires.
Nos premières recherches en ligne nous ont donné des résultats bien trop vastes : nous avons trouvé énormément d’évènements en France. Comment choisir, par où commencer ?
Nous nous sommes donc plongés dans la base de données GASPAR qui recense tous les arrêtés CATNAT, mais cela n’a pas plus abouti : ces arrêtés ne permettent pas de différencier les évènements selon leur intensité et donc de savoir dans quelle mesure un territoire a dû se reconstruire. En effet, ils ne donnent pas les coûts des dommages par évènements et par commune.
Nous nous sommes donc tournés vers la CCR qui a réalisé un système de classement des évènements survenus en France selon leur niveau de gravité.
a) Une première catégorie de territoires impactés par un évènement particulièrement fort
Avant d’analyser les données la CCR, il est essentiel de prendre en compte ces points d’attention :
- La classification de de la gravité des évènements de la CCR est basée sur un critère monétaire : un évènement est classé de gravité « forte » lorsque le montant des dommages causés par un évènement dépasse 200M€.
- Le montant des dommages utilisé pour définir la gravité d’un évènement correspond à la part prise en charge par le régime CatNat, mais ne tient pas compte de la part du coût des dommages prise en charge par l’assureur, ni de la franchise restant à charge de l’assuré.
- Si le montant des dommages, et donc le niveau de gravité établi par la CCR, couvre la part de réassurance des biens couverts par un contrat d’assurance (bâti de particuliers, d’entreprises, de collectivités), il ne prend en compte ni les dommages aux infrastructures publiques, ni les vies humaines.
- Les données existantes en 2023 ne couvrent que la période 1982-2019.
- Le taux de couverture assurantielle dans les Outre-Mer (68 % La Réunion ; 62 % Martinique ; 59 % Guadeloupe ; Guyane 49 % ; 6 % Mayotte (chiffres 2017)), implique un taux de réassurance plus faible. Cela explique pourquoi il n’y a pas d’événement classé « fort » sur ces territoires (excepté l’ouragan IRMA à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, seul évènement classé de gravité très forte), malgré la gravité de récentes inondations. Pour tenir compte de cette spécificité des territoires d’Outre-Mer, le seuil de gravité a été abaissé aux événements moyens (entre 50 et 200 M€ d’indemnisation Cat Nat), et les cyclones ont également été pris en compte.
Nous avons donc commencé par étudier les évènements classés de gravité forte : 12 sur le territoire français, pour lesquels la CCR a déterminé les 10 communes les plus sinistrées. Cette liste nous a permis d’identifier des territoires particulièrement impactés par un évènement et ayant dû se reconstruire, tels que : l’Est et l’Ouest des Alpes-Maritimes, l’Aude, les Hautes-Pyrénées, la Charente et la Vendée, le Gard, la Région Parisienne, etc…
@CCR – Périmètre des évènements classés de gravité forte @CCR – Périmètre des évènements (y compris ouragans) classés de gravité moyenne dans les territoires d’Outre-Mer
En plus de nous permettre d’identifier des territoires à enquêter, cette carte inédite montre qu’une large partie du territoire métropolitain a été touchée par un évènement de gravité forte. La représentation nouvelle du périmètre des catastrophes met aussi en évidence la diversité de leur étendue géographique (ce qui contraste avec la mémoire collective qui n’en retient souvent qu’une partie !)
b) Une seconde catégorie de territoires qui prend en compte la répétition des évènements
Au-delà des territoires fortement impactés par un évènement de gravité forte, il nous a semblé qu’une autre catégorie se détachait : des territoires fréquemment sinistrés par des évènements moins graves ; évènements dont la répétition entraîne certainement un impact durable.
La CCR a mobilisé deux autres indicateurs pour mettre en évidence l’existence de ce deuxième type de territoires impactés durablement : elle a croisé les communes avec au moins 5 reconnaissances Cat Nat inondation (depuis 1982) avec celles dont le coût cumulé des inondations par habitant (1995-2019) est supérieur à 1 k€. Ce croisement met en valeur l’existence de 1 024 communes qui ont un coût cumulé de dommages important réparti sur plus de 5 reconnaissances CatNat !
@CCR – Communes avec au moins 5 reconnaissances CAT NAT inondation et un coût de dommages supérieur à 1 000€ par habitant
Certaines de ces communes ne sont pourtant pas représentatives car elles appartiennent aussi au premier type : elles ont pu vivre un évènement majeur qui a entraîné un coût très important, puis 4 évènements mineurs avec très peu de dégâts.
Pour ne garder que les communes ayant été impacté à plusieurs reprises par des évènements de gravité faible à moyenne, il a donc fallu soustraire les communes impactées par les douze évènements classés fort, ce qui nous donne les deux cartes suivantes :
@CCR – Superposition de l’emprise des évènements de gravité forte sur les communes avec au moins 5 reconnaissances CAT NAT inondation et un coût de dommages supérieur à 1 000€ par habitant.
@CCR – Communes avec au moins 5 reconnaissances CAT NAT inondation et un coût de dommagessupérieur à 1 000€ par habitant en dehors des périmètres des évènements de gravité forte.
On voit alors se distinguer plusieurs territoires : les Pyrénées-Atlantiques (Saint-Jean-Pied-de-Port, Saint-Pée-sur-Nivelle), la Corse, la Manche ; et en plus diffus, le Nord, le Grand Est et la Bourgogne-Franche-Comté.
Le travail de cartographie mené avec la CCR permet donc de mettre en évidence deux types de territoires impactés durablement par des inondations. Nous ne pouvons pas tous les étudier, ce pourquoi nous avons dû choisir parmi tous les territoires identifiés. Nous vous expliquons comment dans l’article suivant !