Un des territoires ayant récemment connu une catastrophe majeure est celui des vallées des Alpes-Maritimes. Nous nous y sommes rendus les 4 et 5 mai 2023 pour rencontrer plusieurs acteurs de la reconstruction sur le terrain.
Direction Saint-Martin-Vésubie. Les stigmates de la tempête se dévoilent au fur et à mesure que l’on monte dans la vallée. En contrebas de Roquebillière, des engins travaillent dans le lit du cours d’eau et paraissent bien petits. Plus loin, une maison est comme suspendue dans le vide…
Nous retrouvons Thierry Ingigliardi, Adjoint au Maire de Saint-Martin Vésubie et Conseiller technique de la commission des travaux dans le cadre de la reconstruction « suite tempête Alex ». Il nous emmène sur un tronçon du Boréon et commente la scène devant laquelle nous nous trouvons : une maison toujours éventrée plusieurs mètres au-dessus de la rivière, les culées du pont arraché par la force de l’eau, une route provisoire qui traverse, un bâtiment qui n’a pas été inondé mais doit être démoli… Trois ans après, la catastrophe n’est pas « un lointain souvenir ».
Il nous raconte que les travaux prennent du temps entre autres parce que les procédures d’acquisition et de démolition des biens sont longues, et qu’elles conditionnent les autres travaux. Et il y en a beaucoup : 125 maisons sont concernées au total.
Mais aussi, un autre frein : sur la berge en face de nous se trouvait un Espace Boisé Classé, repéré dans le PLU Métropolitain. L’eau a emporté l’ensemble des arbres, mais il faut tout de même réaliser une étude de défrichement et une révision du PLUM pour pouvoir continuer les travaux à cet endroit : « comment voulez-vous expliquer ça à la population ? ». Les travaux ne pourront démarrer qu’après la révision du PLUM, initialement prévue pour 2026.
Cap ensuite vers la vallée de la Roya voisine, où nous rencontrons Sébastien Olharan, maire de Breil-sur-Roya, accompagné de Daniel Giordan, adjoint aux travaux. En arrivant à la mairie, notre œil est attiré par le repère de crue fixé sur la façade : il représente une hauteur d’eau supérieure à une hauteur d’homme. Il rend aussi hommage aux trois habitants ayant perdu la vite dans cet épisode.
Lors du pique-nique que nous partageons à la mairie, puis lors de notre visite de terrain dans le centre de Breil, Sébastien Olharan nous raconte les difficultés rencontrées par sa petite collectivité qui doit faire face à près de 25 M€ de dommages : manque de moyens humains techniques en interne et difficultés financières en haut du tableau… La dotation de solidarité de l’Etat est très importante mais ne suffit pas : elle ne permet pas de prendre en charge le personnel que la commune a du embaucher pour gérer la reconstruction. De plus, elle est calculée sur la base d’une reconstruction à l’identique « que l’on ne peut pas et que l’on ne veut pas parfois faire », et elle n’est pas révisable alors que l’estimation des dommages a dû être réalisée rapidement, en 2 mois.
Sébastien Olharan nous raconte que les terrains manquent pour reconstruire, la commune était sujette à plusieurs aléas et à différentes réglementations. Aujourd’hui, l’équipe municipale ne sait toujours pas où relocaliser certains équipements détruits ou endommagés par la crue.
Nous continuons la route en remontant la vallée de la Roya jusqu’à Fontan, via l’un des deux ponts haubanés récemment mis en service par le Département des Alpes-Maritimes.
Philippe Oudot, Maire de Fontan, nous conduit sur les berges de la Roya, pour voir la façade arrière de ce village-rue qui a été lourdement touché par la crue. De là, on aperçoit des bâtiments mitoyens endommagés en attente d’intervention. Il n’existe pas de lien juridique de copropriété ni d’assurance ad’hoc, ce qui complique toute intervention de confortement et bloque les travaux qui doivent suivre (protection des berges et création d’une promenade, réseau d’assainissement définitif, etc).
La reconstruction du village dure ainsi depuis près de 3 ans et n’est pas prête d’être terminée. Elle occupe presqu’entièrement l’esprit des élus, qui veulent prendre de la distance : « Cette année, on essaye quand même d’essayer de reprendre une vie normale et de gérer la commune normalement, c’est à dire avec des projets nouveaux », tel que ceux de nouvelles festivités et d’un équipement public en bordure de cours d’eau.
Les élus sont très mobilisés à Fontan, tout comme dans les autres communes, où nous avons rencontré des élus à pied d’œuvre. Loin du feu médiatique, ils poursuivent le marathon que représente la reconstruction, et s’efforcent de rendre leur territoire plus résilient. Un défi supplémentaire !
Photos : CEPRI.