Octobre-novembre 2022 : Des témoignages d’acteurs engagés

Au lancement de l’atelier, en octobre et novembre 2022, nous avons rencontrés des acteurs de terrains ayant vécu des catastrophes sur leur territoire. Leurs témoignages ne sont que des preuves qu’il est nécessaire d’anticiper le relèvement suite à une inondation, au vu de son impact durable sur les territoires.

Sébastien Olharan, Maire de Breil-sur-Roya.

« Pour une commune de Breil-sur-Roya, pouvoir faire face à 25 millions d’euros de dégâts, c’est quasiment impossible si on n’a pas une solidarité très forte qui s’exprime, aussi bien en provenance de l’Etat que des autres collectivités. D’autant plus que ces dégâts sont évalués sur la base de ce qu’il y avait avant la tempête, or on voit bien que dans la reconstruction, il est nécessaire de reconstruire de façon plus résiliente. […] Mais on constate que les dispositifs qui sont mobilisés dans ces circonstances-là, notamment les dispositifs financiers de l’Etat, sont tous conçus sur la base d’une reconstruction à l’identique. »

« On a eu au titre de la loi sur l’eau, une dérogation qui a duré à peu près un an et qui nous a permis de faire des travaux d’urgence simplement sur des déclarations, sans attendre des autorisations. Mais ça c’est fini aujourd’hui, on est soumis aux autorisations au titre de la loi sur l’eau, c’est long et lourd. Tout cela contribue à faire que la reconstruction qui aurait pu être plus rapide, est longue, lourde et les habitants s’impatientent.

Sébastien Olharan
Xavier Pelletier, Préfet chargé de la Reconstruction des Vallées Sinistrées des Alpes Maritimes.

« Face à une catastrophe naturelle aussi dévastatrice que la tempête Alex qui a ravagé les Alpes Maritimes, il faut créer un collectif. Il faut absolument faire en sorte que l’Etat, les collectivités territoriales, notamment l’autorité Gemapienne, et l’ensemble des opérateurs travaillent ensemble. C’est extrêmement important parce que ça permet de partager l’analyse, de comprendre l’événement et d’en tirer toutes les leçons. »

« On est exposé, demain et après-demain, à des événements climatiques et météorologiques majeurs, qui entraineront des dégâts importants, donc il faut qu’on prenne en considération l’ensemble de ces données. Il faut aussi que l’on puisse travailler avec les compagnies d’assurance pour créer des dispositifs qui soient à la fois opérationnels et efficaces, […] et qui nous permettent de ne pas revivre une fois de plus ces événements dramatiques. »

Xavier Pelletier
Michel Proust, Maire de Villegailhenc (11), une commune de l’Aude sinistrée en 2018.

« Sur ma commune, j’avais de la chance d’avoir un Plan Local d’Urbanisme (PLU) et un Plan de Prévention du Risque Inondation (PPRi). Notre PPRi date de 2003, s’il n’avait pas été opposable je suis certain que des constructions auraient été réalisées dans des zones qui ont été fortement inondées, ce qui aurait pu causer des décès et dégâts supplémentaires. Il faut absolument se munir de ces outils. »

« La nature est plus forte que l’homme donc il faut vivre avec, y faire des aménagements pour des promenades en bord de l’eau si on le veut, mais il ne faut surtout pas essayer de la contrarier. La nature reprendra toujours ses droits.« 

Michel Proust
Sébastien Leroy, Maire de Mandelieu-La Napoule (06), une commune sinistrée en 2015, et doublement en 2019.

« Aujourd’hui, la plus grande difficulté c’est de transmettre cette culture du risque à chaque citoyen, pour qu’il l’intègre dans son quotidien. La leçon de tout ce que nous avons affronté c’est que le jour où l’intempérie arrive, on n’a souvent pas le temps de s’y préparer, de s’organiser, et donc souvent le citoyen sera seul face au risque. »

« Une ville seule ne peut pas faire face à l’ampleur de la tâche, au coût de cette mission de prévention des inondations. Donc les villes doivent se regrouper et pour cela il faut une stratégie : les PAPI et la compétence GEMAPI sont aujourd’hui les seuls outils qui permettent d’y arriver de manière efficace. »

Sébastien Leroy

Eric Menassi, Maire de Trèbes (11), une commune de l’Aude sinistrée en 2018.

« Je crois que ce qui est important c’est de bien connaître son territoire, et d’appréhender la rivière non pas en essayant de lutter contre mais de vivre avec. Se réapproprier les cours d’eau est fondamental pour devenir plus résilient. »

« Le syndicat du SMMAR est né des inondations de 1999 et a permis de regrouper nos forces. C’est un outil efficace sur le territoire qui nous permets d’appréhender la compétence GEMAPI de manière rationnelle. Le SMMAR apporte de la lisibilité à nos concitoyens et c’est une puissance de frappe financière incontestable pour l’aménagement du territoire. »

Eric Menassi

Bénédicte Heindrichs, Directrice Générale de SPW ARNE Wallonie (Belgique), un territoire fortement impacté par l’inondation de juillet 2021.

« Nous n’étions pas prêts à gérer l’ampleur des conséquences de la catastrophe, notamment pour tous les déchets générés par l’inondation. Il y en avait tellement qu’il faudrait 10 ans pour les éliminer. Or, cela fait 30 que l’on fait de la gestion environnementale des déchets et que nous essayons de cesser l’enfouissement, et là on s’est retrouvés avec une montagne de déchets. Vous me direz, au regard des dégâts causés par les inondations, est-ce qu’il est important de faire attention à l’incidence environnementale de la gestion de ces déchets ? Je vous réponds oui, car des crises de ce type il y en aura d’autres.« 

Bénédicte Heindrichs
Valérie Dejardin, Bourgmestre du Limbourg (Belgique), un territoire fortement impacté par l’inondation de juillet 2021.

« Si je pouvais revenir 15 ans en arrière pour pouvoir reconstruire plus facilement ma ville, je pense qu’on aurait dû faire ces phases d’études beaucoup plus tôt, en amont de ce qu’il s’est passé (…) Je pense qu’aujourd’hui, les pouvoirs publics devraient absolument étudier les communes et le réaménagement des communes en fonction des catastrophes naturelles qui pourraient y survenir et avoir ces plans prêts – quitte à anticiper et à déjà aménager certaines choses au préalable – en cas de catastrophe et pouvoir, en cas de non-catastrophe ce qui est encore mieux, essayer de faire un rétroplanning des choses à mettre en place et donc phaser vraiment ces réaménagements du territoire parce qu’en 2022 je pense qu’on ne peut plus attendre d’avoir une catastrophe pour repenser son territoire. »

Valérie Dejardin


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