En France, les inondations représentent le premier risque naturel. Elles menacent plus de 18 millions d’habitants, et plus de 9 millions d’emplois. En affectant les modes de vies, en causant des dommages matériels, les inondations représentent une rupture dans le quotidien des communautés. Au regard des prévisions qui sont faites par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, il semble essentiel et nécessaire de prévenir, dès aujourd’hui, les risques de catastrophes naturelles, et plus spécifiquement le risque d’inondation.
La reconstruction post-inondation apparaît alors comme une opportunité pour intégrer plus de prévention et plus de résilience dans le cycle de la gestion des risques de catastrophes naturelles. Le préalable à cela réside toutefois dans une plus grande anticipation de la reconstruction post-inondation.
En effet, en France comme à l’international, la reconstruction post-catastrophe reste un sujet peu investi, et peu médiatisé contrairement à la catastrophe. A l’échelle internationale, les premiers travaux traitant de ce sujet émergent dans les années 1970. La reconstruction y est toutefois abordée de manière sectorielle : par la question du relogement notamment, ou des conséquences psychologiques. Par la suite, certains travaux universitaires vont lier la question de la reconstruction aux problématiques de développement durable. Cette approche marque une évolution conceptuelle puisque la reconstruction est alors comprise et perçue comme une opportunité de repenser le développement d’une société. Depuis quelques années, on constate en France, comme à l’international, un intérêt grandissant pour le sujet. A titre d’exemple, deux projets menés par le CEREMA font de la reconstruction le cœur de leur sujet d’étude – le projet RAITAP, et le projet RELEV qui s’est concentré sur la reconstruction de Saint-Martin.
Le faible nombre de travaux autour du sujet entraîne, par ailleurs, une confusion autour de ce que recouvre ce terme. La reconstruction se distingue des phases de post-crise et de réhabilitation. En effet, elle s’inscrit dans le temps moyen et long, contrairement à ces deux phases. Une première façon de caractériser la reconstruction est donc son inscription temporelle.
Une deuxième manière de la caractériser s’intéresse à l’objet de la reconstruction : qu’est-ce que signifie véritablement ce terme, et que recouvre-t-il ? Souvent, la reconstruction est associée à sa seule dimension bâtimentaire, c’est-à-dire au fait de réparer, reconstruire des infrastructures. Pourtant, le processus de reconstruction recouvre bien d’autres dimensions – parmi lesquelles, la réparation des infrastructures, le renforcement des communautés d’acteurs, l’accompagnement psychologique des populations sinistrées, etc. Cette pluridimensionnalité se reflète également dans la définition que donne le Bureau des Nations unies pour la réduction des risques de catastrophes de cette phase : « les décisions et les actions visant à rétablir ou à améliorer les moyens de subsistance, la santé, ainsi que les actifs, systèmes et activités économiques, physiques, sociaux, culturels et environnementaux d’une communauté ou d’une société touchée par une catastrophe, en s’alignant sur les principes du développement durable, notamment en reconstruisant mieux pour éviter ou réduire les risques de catastrophe à l’avenir ».
Une troisième manière de caractériser la reconstruction passe par les acteurs qui la mettent en œuvre : qui sont les acteurs de la reconstruction, et quels sont leur rôle ? Le sujet manque malheureusement de cadre. Si la phase de la gestion de crise est bien formalisée, en témoigne l’existence de nombreux documents de cadrage tels que les Plans Communaux de Sauvegarde, la gestion de la post-crise souffre d’un manque de réflexion. Il s’agit de réfléchir dès aujourd’hui aux rôles des différents acteurs de la prévention des risques dans la reconstruction post-catastrophe, et plus particulièrement post-inondation.
Face à l’approche sectorielle prédominante associée au terme de reconstruction, un autre terme apparaît alors comme plus englobant, celui de relèvement. L’utilisation de ce terme permet de faire appel à une approche davantage intégrée qui prend en compte, au-delà des seuls aspects techniques et bâtimentaires, la reconstruction sur les plans psychologiques, socio-économiques ou encore environnementaux qui sont propres à chaque territoire. La reconstruction, en devenant relèvement, s’apparente alors à un « phénomène social » et plus uniquement technique.
Ce terme permet de répondre également aux prérogatives temporelles de la reconstruction, parfois difficiles à situer pour les acteurs concernés. Le relèvement ne délimite pas une reconstruction à court, moyen ou long terme mais bien l’ensemble des temporalités qui s’échelonnent après la phase de post-crise.
Ainsi, derrière le terme de relèvement c’est l’adoption d’une notion commune qui puisse faire appel à la reconstruction du territoire dans toutes ses dimensions qui se veut être formalisée. L’adoption du terme de « relèvement » au lieu de « reconstruction » témoigne d’une évolution des approches, qui se construisent et se reconstruisent au gré des expériences et études menées sur le sujet.
Sources :
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